Sourire paisible et déployé
L’air bienheureux tel un bradype extasié
Baisser de rideau ophtalmique
Et fantasmagorie onirique
Comme un cerbère, j’ai veillé toute la nuit,
En espérant qu’il m’ait enfin omis,
Pour y voir clair j’ai bu du noir
Mais ne vois plus de reflet dans mon miroir
Car à ce moment j’ai le pieu à coeur
Je suis même mort et sans couleurs, c’est un fait
On peut le dire, dans mon cercueil et l’esprit somnolent,
J’ai tout perdu de mon mordant
Le marchand de sable va-t-il passer ?
Je meurs de me reposer
Allongé, las, dans mon alcôve
Isolé de la lumière fauve
Je suis déjà aux trois quarts mort
Et rends le quart avant l’aurore
Il n’y a personne pour me relever
Que ce marchand de sable qui peut passer
Que ce marchand de sable qui pourrait passer
Oui ! Je passe mes nuits à la guetter
Cette présence qui veut m’exhumer
J’attends qu’elle vienne, puis qu’elle s’en aille
Pour pouvoir me mettre sur la paille
J’ai bien tenté de m’endormir
Imperturbable comme un menhir
Mais au moment de m’apaiser
Elle se présente pour me hanter
Et bien après qu’elle soit partie
Et que sa verve s’est tarie
Elle continuera sa fanfare
Protagoniste de mes cauchemars
Le marchand de sable s’est annoncé,
Qu’est-ce que ce type est grossier !
Il jure comme un charretier,
Transmute son sable en verre brisé
Il lansquine aux portes, fait le fier
Seul ou avec ses pairs
Il faut qu’il crie et déblatère
Toutes ces horreurs… A ces horaires !
Toutes ces horreurs… A ces horaires, vraiment…
Il m’apparait plutôt costaud, mais s’il franchit la ligne jaune
Je saurai prendre des mesures pour son costume mortuaire
Devant la fine fleur éplorée je prétendrai être aphone
Et décapsulerai une bouteille lors de sa mise en bière
Quand je vois rouge, je fuis les bleus et broie du noir :
Comme à chaque fois, ce soir je l’ai passé à l’aiguisoir
Ce couteau que je sors quand j’ai les crocs
Et que mon appétence réclame que le sang coule à flot
Le marchand de sable est passé
De la vie à trépas
C’est mieux ainsi pour sa santé
Plus jamais ne se saoulera
Je peux enfin me reposer
Repus et sans tracas
Je l’ai calé dans un buffet
Où l’on ne le trouvera pas
Oui un buffet
Où viennent manger mes rats