
P.ris de panique lors de la tempête,
L.es promeneurs s’abritent et se couvrent la tête
A. l’affût d’une accalmie, entre deux rafales de vent
C.eux qui tentent une traversée espèrent en revenir vivant
E.t d’autres pleurent leurs charmes d’antan
D.échainées, les bourrasques font danser les branches
E.n d’autres temps, à contretemps ce sont les hommes qui se déhanchent
S’.agitant dans les rues au retour du Printemps
M.idi s’annonce par les cloches de la cathédrale,
A.joutant au tumulte le son d’un glas monumental
R.emuantes et retorses, rétives à la raison
R.amures criblant la terre de leurs fruits de saison
O.pération militaire pour reprendre la place
N.uées de munitions, acérées, sifflantes, à leurs oreilles
N.ombre de passants enjambent les carcasses
I.ls se faufilent entre les voitures, en se méfiant du ciel
E.ntends-tu le cri de révolte de ce cassandre impuissant
R.ésonnant dans les ténèbres comme un avertissement ?
S.ur la place une dernière sommation avant que ne pleuvent les gaz et les marrons
Un vieil homme est assis sur le banc le plus proche de l’entrée.
À ses côtés, sa canne se repose de sa marche épuisante.
Il observe prudemment les allées et venues
Tentant de rester aussi invisible que sa défunte épouse qui l’accompagne
Il parait tenté de fuir chaque fois que quelqu’un s’approche
Est-il assis sur le banc le plus proche de l’entrée
Ou est-ce le banc le plus proche de la sortie ?
Une petite fille s’est glissé sous le banc où sa mère s’est assise
Elle regarde avec envie les enfants dans le manège
Tout en glissant des cailloux dans ses poches.
Bientôt grise des joues jusqu’aux chaussettes,
Son camouflage la fait se fondre avec le sol poussiéreux
Un garçon appuyé sur le bord de la fontaine
Tente de renouer ses lacets qui se sont querellés
Une brouille irrattrapable les a séparés.
Le temps dénoue l’étreinte des hommes
Comme il desserre les cordages.
Des noeuds à l’estomac,
Le garçon tente de se rappeler
Des boucles et spirales
Pour pouvoir les rassembler

P.eut-être ai-je toujours été comme un petit vieux
L.as des jeunes ferveurs, des histoires à la mode
À. l’envers du décor, un héros mystérieux
C.aché loin de nos vies au passé qui s’érode
E.n une fade ribambelle d’instants crayeux
M.êlée de justiciers aux pouvoirs surhumains
A.ffrontant sans frayeur ces êtres malfaisants
R.attachant à leurs coups des répliques soignées
C.louant enfin le bec aux méchants et coquins
E.t sauvant les badauds d’un destin terrifiant
L.ivrés à leur nature de victimes anémiées
P.ourquoi avoir besoin de ces super-héros
L.orsque vécut ici un homme de cette trempe ?
A. l’aune de sa place nos êtres sont falots
I.nutiles pantomimes aux drapeaux sans hampe
S.erions-nous éblouis par leurs sottes paillettes
A.mnésiques des luttes qu’ont menées nos aïeux ?
N.ous dresserions-nous sous le feu des mitraillettes
T.ransgressant les décrets d’un tyran impétueux ?

C.e soir là, quand les oiseaux se furent tus
H.eureux d’avoir emplit l’air de ramages délicats
E.n silence la cathédrale s’est lentement vêtue
M.uant sous les drapées de son cocon de soie
I.nnocente chrysalide, papillon minéral
N’.attendant que l’élan pour un envol sidéral
S.eul et immobile sous les branches de l’arbre
A.ttendant la nuit pour tenter de se faufiler
I.l observe deux merles postés sur l’arbre candélabre
N.ichés l’un contre l’autre avant leur prochaine envolée
T.arderont-ils à s’enfuir quand il s’élancera ?
G.rimpant le long de l’ossature de métal
U.ne araignée effilée commence à tisser sa toile
I.lluminée par la lune, pour ce soir maitresse d’apparat.
L.a nuit s’est éveillée, peu après les réverbères
L.eur couleur bleutée vient teinter celle des cerbères
A.ssis sur la corniche, ils lui lancent un regard glaçant
U.ne sirène au loin l’appelle de son chant
M.aitresse abandonnée, elle veut l’étreindre de ses bras
E.t pourtant dans un souffle, il s’évaporera
L’homme est seul et assis sur une marche
La dernière marche du perron sous la marquise
À l’entrée de la maison devant la porte coiffée d’une arche
Fendue d’un chainage pour éviter qu’elle ne se brise
Recroquevillé sur le dernier rivage épargné des eaux
Il attend, observe la pluie d’un regard éperdu
Il a les chaussures trempées jusqu’aux os
Les mains emmitouflées et sa joue gauche est fendue
Des silhouettes se projètent sur son front et ses yeux
Ombres de regards muets qui le dévisagent
Balafres invisibles aux teintes en camaïeu
Poussières d’interrogations qu’elle laissent dans leur sillage
Est-ce d’avoir trop parlé, que sa bouche s’est rompue ?
Une corne à l’abondance de mots qu’il ne peut retenir
Est-ce d’avoir trop mangé, de n’être jamais repue
Que sa bouche bée cherche en vain de quoi se garnir ?
Peut-être a-t-il sourit tant et tant, que son visage s’est figé ainsi…
Une statue affable, au sourire gravé dans sa peau de marbre,
A-t-il hurlé à tout rompre, un face à face avec ses ennemis
Jusqu’à danser joue contre joue un tango contre leur sabre ?
Certains disent que c’est de souffler le chaud et le froid,
Qu’il avait la dissidence jusque dans sa chair
Je crois plutôt que c’est d’avoir été trop courtois
À trop tendre l’autre joue au joug de ses pairs
Ce sont des ongles qui griffent, lacèrent l’épiderme
En tatouent leurs méfaits tout le long de cicatrices
Ce sont des doigts qui happent, agrippent les pelages
Les arrachent par touffes entières, les écharnent par lambeaux
C’est une main que l’on ne peut ouvrir, qui ne peut que serrer
Des serres qui prennent mais jamais ne rendront
C’est une poigne pendue de tout son poids
Accablant le menton, les lèvres et le coeur
C’est un poing qui frappe, jusqu’à briser les os
Affligeant l’esprit et la vue, assenant ses affections
Le temps est un voleur qui pillera sans rémission
Nos premières amours jusqu’à l’ultime instant

R.amages en duetto sur la tour ou la ramée,
U.n ogre de pierre, une horde de plumes
E.trange comme le temps semble attendre leur chant pour passer
P.atient, sous leur regard, je vois leurs ombres s’avancer,
O.ppressantes cicatrices, avant que l’ampoule ne s’allume
R.evenant à la pleine Lune avec leurs doigts décharnés
T.eintés de glas, de croassements et d’amertume
E.chappera-t-elle aux serres tranchantes de cette faune ?
J’.attends que les tailleurs me mettent en demeure,
A.rchitecte et maçon, sculpteurs et menuisiers,
U.n chantier qui aurait du débuter dans l’heure
N.e les avais-je pas recrutés avec cette seule idée :
E.difier la maison de mes rêves au 34 rue Porte Jaune ?

P.osté près de l’église, entre deux arbres, rangé
L’.oeil tantôt brillant, tantôt dissimulé
A.rborant cet air affable, mais un peu inquiétant
C’.est l’oeuvre d’un vandale ou d’un comportement déviant
E.st-ce là le contrejour de l’uniformité ?
C.e vigile de la place, immobile en tout temps
L.aisse entrevoir une âme, par ce geste troublant
A.urait-elle un penchant pour la curiosité ?
M.algré cette suspicion on le sent magnanime
E.t sa tête penchée, montre l’esprit qui l’anime
C.onfident des enfants, il leur demande parfois :
« Y. a-t-il quelque chose que je puisse faire pour toi ? »

É.crin urbain au centre de la ville
N.uées de vies, terrasses aux pieds d’argile
C.es mille bulles qui tentent de s’échapper
L.e long de nos sévères verres, qui les emprisonnent
O.nt leurs yeux embués rivés sur le parapet
S.crutant nos lèvres sans que jamais l’on ne les soupçonne
D.errière les vitres se tient une exposition
E.t le soleil, bien qu’épuisé, la met en lumière
S.olitaire dans cet univers, mes yeux y dérobent mon attention
J’.entends des notes aux charmes de sirènes
A.pparues d’un autre monde, elles scintillent comme des lucioles
C.ourant sur la membrane depuis les lampes de tungstène
O.ndoyant dans les airs avant que leur vie ne s’étiole
B.ercé en haut des marches, j’attends que leur chant m’électrise
I.mbibé de musique, de lumière et de vie
N.iché au creux des immeubles, l’enclos peu à peu se grise
S.cintille et sonne au soir couchant pour éveiller la nuit

P.ierres taillées, et pierres pavées
L.es portes de bois se sont coiffées d’arches
A.u centre, la fontaine les entend se lamenter
C.es deux âmes en peine que les troncs d’arbres détachent
E.t les saisons les regardent, immobiles, esseulées
G.arées de guingois, quelques guimbardes se relaient
E.clipsant cette malédiction, par concurrence déloyale
O.n n’y dépose plus rien, pas même un gobelet
R.ares sont les passants qui les voient conviviales
G.randes planches, dans cette scène, mais jamais de spectacle
E.lles demeurent séparées, ne peuvent tenir cénacle
S’.ils ne peuvent se voir ils ont pourtant le même aspect
A.ssociés de coeur, d’inclinaison et d’offrande
N.e pourrait-on les réunir, qu’ils vivent enfin heureux, les
D.eux bancs esseulés de la place George Sand ?

P.eut-être pourrais-tu ici me retrouver
A.u pied de cet édifice, sur la place qui le longe ?
L.oin des yeux de ces hommes, semblant nous réprouver
A.uprès des statues avant que le vent ne les ronge
I.ci en contrebas chaque instant est interminable
S.uivi par l’ombre d’un autre, à la saveur abominable
J.e donnerais mille vies pour te revoir
A.u détour d’un boulevard, d’une place ou d’une galerie
C.roiser un ultime instant ton regard
Q.uelle qu’en soit la durée, quel qu’en soit le prix
U.n dieu perfide et cruel semble chaque jour se jouer de moi
E.voquant en chaque promeneur une sorte de lémure sournois
S.usurrant ton absence à chaque passage
C.omme ces statues figées traversant les âges
O.ù que mon corps soit, mon coeur, lui, reste au même endroit
E.ternel résident de cet état d’âme,
U.n palais déserté au sein de mon coeur
R.eviens me délivrer de ces spectres tourmenteurs
Je trace ma route
Battant le pavé
Pierre après pierre
Par monts et par vaux
Je sais d’où je viens
Et je sais où je veux aller
Seule compte la pose
Bien organisé,
Bien taillé,
Bien aligné,
Le reste viendra.

R.accourci taillé dans le tissu urbain
U.ne porte dérobée vers l’artère transversale
E.n catimini il s’y engouffre au petit matin
D.epuis les volets fermés des demies-Lunes s’illuminent
U.n rayon de lumière dorée court sur son pelage châtain
C.arressant les pavés de ses griffes assassines
H.umant l’air alentour en quête d’un fretin
A.ux aguets alors que le Soleil éclot, et
R.ompt les nuages pour livrer son halo
R.epérant une proie battant légèrement des ailes
I.l progresse lentement, s’avançant pas à pas
E.t alors que le vent fait danser sa flanelle,
R.aflée, la balle du jeu de paume fuit dans la gueule du chat
Je ne la détestais pas, je ne l’appréciais guère. Quand elle venait, j’endurais simplement sa présence, comme toutes ces choses contre lesquelles on ne peut rien. Son parfum entêtant, ses saillies menaçantes.
Et puis je suis passé de stoïque à intrigué : je prenais en photo des lambeaux de sa peau, un monde chimérique cruel et silencieux.
Les années ont passé. Je l’ai perdue de vue, elle a finit par me manquer. Cruellement.
Elle est revenue il y a quelques jours. Je n’aurais jamais cru être si heureux de voir la pluie tomber.