Texte & Musique : Thibault Muller
A chaque soldes, j’achète.
Des frusques fantasques pour combler mes frasques,
Et des vasques de Grasse pour emplir mes flasques
Sur le Clair de Lune je traite
A l’Ouest de Venise je laisse tomber le masque :
Je me sens l’astre de cette fresque bergamasque.
J’achète, du rabattu pour m’enorgueillir
J’attends, le liquidé pour l’acquérir
J’achète, de quoi me mettre en valeur à -50%
Paiement comptant, ultime remède pour un esprit sénescent
Dans ce monde, à l’aloi de marché et de jungle,
Les articles bradés céans sont mon violon d’Ingres
D’ordinaire assez pingre, je dépense plus que de coutume,
Et je quitte mes fringues pour ces nouveaux costumes.
Quatre à quatre j’ai tiré mon épingle du jeu
En fidèle encarté, ma carte est couverte d’ecchymoses bleues
La pléthore de rebuts collector jamais ne m’épate :
Je jette la botte inadéquate, j’achète la bottine adéquate !
Moi j’excelle dans cette discipline de la chasse à l’idoine
Délaissé, sacrifié, déniché par les amateurs amasseurs,
Mais je voudrais savoir puisque l’habit ne fait pas le moine
Pourquoi, pourquoi dites-vous que je n’ai aucune valeur ?
Je n’ai peut-être pas l’étoffe d’un grand homme
Je possède seulement des costumes à ma mesure,
Ma vie se consume comme je consomme
Contribuant chaque jour à faire grimper le mercure
Je n’ai peut-être pas l’étoffe d’un grand Homme
Je ne tiendrai qu’un rôle à ma mesure,
Ma vie se résume à ce que je consomme
Elle contribue chaque jour à faire grimper le mercure
De l’époque moderne je suis le produit
Ce consommateur vorace et consommé
Mais je ne me perçois pourtant qu’au singulier :
Pour toute hiérarchie il y a moi… Ensuite autrui
La nature d’un fauve n’est pas de lâcher du lest
A ceux qui viennent après, je ne laisse que les débris
Je prends la part du lion, ils s’arracheront le reste
Le premier arrivé est le premier servi !
S’ils veulent savoir pourquoi l’Homme court à sa perte
Les redresseurs de torts manquent en fait d’à-propos :
Ils disent souvent que mes emplettes m’ont fait perdre la tête
Alors comment pourraient-ils m’en faire porter le chapeau ?
Je n’ai peut-être pas l’étoffe d’un grand Homme
J’ai oublié mes rêves de gloire posthume
Ma vie se résume à ce que je consomme
Et cet éphéméride est mon chef d’oeuvre anthume
Je n’ai peut-être pas l’étoffe d’un grand homme
Mais me sens pourtant étriqué dans ce costume,
Ma vie se résume à ce que je consomme
Et je sens chaque jour grandir mon amertume
En retournant ma veste, j’ai finalement changé de vie,
Revendu mes habits, soldé mon assurance-vie,
J’ai cédé ma maison et ses meubles dérisoires,
Mais j’ai investi la pierre et dors maintenant dans un manoir
C’est une colocation, certes un peu spartiate
Une cheminée en marbre, quelques sommiers sans lattes
A longueur de journée nous refaisons le monde
Et j’y vis bienheureux, quand mon esprit vagabonde
Mais de fil en aiguille, ce soir je viens pour en découdre,
Car j’ai passé mes nuits à faire parler la poudre
Je n’ai plus de bonbons et n’attends plus Madeleine,
Que pour la dévêtir de son joli bas de laine
Je n’ai peut-être pas l’étoffe d’un grand homme
Je ne m’enveloppe que de matières alcoloïdes
Ma vie se consume à mesure que je consomme
Chez moi le pot aux roses est éléphantoïde
Je n’ai peut-être pas l’étoffe d’un grand Homme
Je ne m’enveloppe que de matières alcoloïdes
Ma vie se consume à mesure que je consomme
Mais je ne suis plus traqué par les gouttes de ma clepsydre