Noémie : et voila ! La dernière par ici !
Thibault : parfait, ah non mince attends celle-ci a une ficelle cassée
Noémie : pas grave, ce n’est pas la seule, on la gardera pour pailler les potagers à côté.
Thibault : mais… tu ne les vends pas d’habitude ?
Noémie : si, t’inquiète c’est prévu, je devais de toute façon en laisser à quelques personnes qui ont leur jardin sur la place. Elle en fera partie… Ah ! Pierre attends ! On va la mettre debout celle là. Tu pourras t’occuper de ramener le camion après s’il-te-plait ?
Ça y est, les bottes de paille sont installées en demi-cercles sur la place. Ce seront les bancs pour les spectateurs de la pièce de théâtre de ce soir. L’Agora se prépare, les gens amènent des chaises, des tables, et comme il fait beau il y a même quelques barbecues de sortis. Le maire ne sera pas présent ce soir, il fait le tour des soirées des quartiers Sud. Mais il a envoyé un adjoint.
Personnage de passage : parait qu’il va y avoir le préfet ce soir aux agoras du centre-ville. Tu crois que ça craint avec les barbecues ?
Personnage de passage : je sais pas, mais ce que je sais c’est que s’il se pointe, je le balance dedans et je le fais rôtir.
Laura : tiens Thibault ! Je te présente Damien, le fameux formateur au parkour sur les toits de Paris.
Thibault : ahah ! C’est donc toi l’Assassin’s Creed de la capitale.
Damien : salut, pff ouais j’aurais mieux fait de me casser un bras ce jour là, depuis on est blacklisté de partout avec l’association.
Laura : mais on va rebondir Damien, on fera encore mieux ici sur la place, on est en train de préparer le truc le plus dingue qu’on ait jamais fait.
L’association de Laura et Damien a été programmée pour l’Agora d’Aout. Ce sera au début du mois. Ils vont investir la place pendant trois semaines en juillet, accueillir les enfants et les adultes pour les initier à l’accrobranche, à la slackline, au parkour et à plein d’autres choses visiblement… Et pour la clore la période, ils intégreront certains stagiaires au spectacle qu’ils feront à l’Agora. Laura m’a dit qu’elle allait aussi utiliser le jardin. C’est intriguant !
Laura : Damien au fait, toujours pas de nouvelles de Sim ?
Damien : non, je crois qu’il attend encore son train pour venir ce soir
Thibault : ah ! il y a un train le soir à nouveau à Bourges ?
Damien : non, Sim c’est un pote qui fait du train surfing. Il grimpe sur les trains de marchandise et voyage comme ça, sous le radar.
Thibault : ah ! Ah ? Mais attends, comment il fait ?
Damien : le principe c’est que tu grimpes discrètement sur les trains qui passent lentement le long des quais, ou qui sont arrêtés dans les gares de triages. Niveau confort c’est catastrophique, niveau ponctualité c’est pire, et il faut constamment surveiller parce que tu ne sais jamais dans quelle direction le train va aller sur une longue distance. Mais c’est le jeu.
Thibault : eh ben dis donc, ça a l’air génial comme mode de transport… Et vous pensez qu’il va réussir à venir ?
Laura : oui Sim arrive toujours. Mais ça peut prendre un jour ou deux de plus que prévu… Il devait arriver hier.
Damien : ahah oui on commence à s’inquiéter quand il a plus de trois jours de retard.
Thibault : mais alors comment il fait s’il part dans la mauvaise direction, ou s’il n’a plus de trains ?
Damien : il fait demi tour ! Plus sérieusement, il vit comme ça. Il dort dans les forêts ou sur les toits d’immeubles. Il a toujours son duvet, de la nourriture, il connait les sources d’eau potable. Il se définit comme un vagabond moderne.
Laura : et quand il en a marre de la route il va dormir chez un pote pendant quelques jours. Il en a partout à travers l’Europe maintenant.
Damien : c’est clair ! J’ai jamais vu ça, il connait une personne dans chaque ville chez qui dormir, c’est incroyable.
Thibault : et donc Sim fait partie de votre association ?
Laura : oui, l’été il revient bosser quelques semaines avec nous pour se faire un peu d’argent, et repartir ensuite. Cette année il a fait la route jusqu’à Tallinn en Estonie. Il aime aller dans les pays d’ex-URSS, parce qu’il y a plein de bâtiments abandonnés pour faire de l’urbex.
Thibault : ah ! L’urbex ça m’a toujours fait rêver ! J’ai hâte de le rencontrer ce Sim, tu me le présenteras Laura ?
Laura : oui bien sûr, je te dirai
Damien : il faudra faire vite parce qu’il part pour Castille ensuite avant de revenir pour le stage avec nous.
Thibault : ahah la vache il arrête jamais.
Le reste de l’après-midi passe tranquillement. Je suis parti sur mon terrain pour voir comment s’en sortent les pieds de tomates. Ils grandissent petit à petit et de petites tomates vertes devraient bientôt apaparaitre. J’espère que les pieds n’auront pas de maladie, je n’ai pas traité pour voir, et aussi par manque de temps. Je sais qu’il faut que je fasse des purins de prêle et d’ortie. J’y vais pas à pas, pour progresser. Honnêtement si on réussit à récolter des tomates, ce sera déjà super. On verra pour optimiser tout ça par la suite. C’est à la fois simple et complexe, la pratique du potager. Quand une culture rate, il n’est pas toujours facile de connaitre la cause au début, et il faut souvent attendre la saison d’après pour pouvoir essayer une autre approche. Ça met bien longtemps à venir ! Et c’est passionnant.
C’est en partie le thème de ce soir, le potager. Najar, un ami musicien chanteur qui participe m’a suggéré de l’appeler le « Chou-rave Contest ». Je trouve l’idée excellente, et plusieurs personnes ont suivi le mouvement. On va faire de petits battles ou déclamation de textes, en relation plus ou moins directe avec le monde du jardinage. Ça va être drôle, c’est une première pour commencer, j’ai hâte.
Présentateur : Et maintenant, pour inaugurer le battle « Chou Rave Contest », Najar contre Opuscules ! Ca va les gars, vous êtes prêts ?
Najar : Moi oui, j’crois qu’c’est Thibault qui n’est pas prêt…
Thibault : ahaha garde tes cartouches pour ton texte, tu vas en avoir besoin
Présentateur : Après tirage au sort, c’est Opuscules qui entame les hostilités !
Opuscules : Hey, t’aurais pas deux balles ? … non ? Ah c’est vrai que t’es le genre à demander mais à rendre que dalle
T’assassines tout ton entourage, ton banquier ton père et ta mère
Si bien que tout le monde te tourne le dos, même tes radis poussent à l’envers
En somme toi t’es comme un râteau, t’as les dents qui rayent le sol
Mais tout ce que tu grattes c’est de la poussière et des cadavres de campagnols
Avec les filles c’est pas fameux, elle te traitent toutes de fumier
Tu pues la … et elles le sentent, elles ne te laissent pas t’approcher
Tu leur dis toujours que tu as du muscle, les épaules d’un gars qui a bêché
T’as passé ta vie à creuser mais y’a que le fond que tu as pu toucher
Tu m’as convié sur ton terrain, par une belle journée d’été
J’me suis pris le pied dans une crevasse, et une tôle rouillée me l’a entaillé,
Quant au repas j’suis désolé, j’dois dire que j’ai été mal reçu,
Ton terrain ressemble tant à une décharge, y’a que la famine qui pousse dessus
Au dessert t’as voulu chanter, les chasseurs ont crié au loup,
Ils t’ont tiré comme un lapin, t’as crié « j’ai un plomb dans le genou »
On a fini à l’hôpital, tu pleurais comme une merlette
Le médecin a dit « c’n’est qu’une coupure » dûe à ta chute sur la serfouette
Tes chansons font autant de bruit que le cri des carottes qu’on sort de terre
C’est pas de la musique que tu fais, ce n’est qu’un rappel que tu ferais mieux de te taire
Alors ton prochain disque s’il te plait, sors le en carton recyclé,
J’le saignerai pour nourrir mes vers au fond de mon carré potager